Objectif Soins n° HS_2019 du 01/04/2019

 

Dossier

Qualité & gestion des risques

Loïc Raynal  

Ouverte en 2015, la plateforme Web Hospitalidée propose aux patients de s'exprimer sur les établissements de soins et leurs médecins. Un mode de communication 2.0 qui fait son chemin, non sans embûche, dans le monde bien établi de la santé. Son fondateur, Loïc Raynal, décrypte l'histoire du site.

Avec le site Hospitalidée, Loïc Raynal entend « nourrir à nouveau le lien de confiance entre patients et établissements ». À 43 ans, seul aux commandes, le fondateur de la plateforme surnommée le « Tripadvisor des hôpitaux » par le journal Le Monde a essuyé les plâtres depuis sa création en 2015. Tout commence quand sa compagne lui annonce un heureux événement. Il se rend alors sur Google, comme à son habitude, afin de chercher la bonne maternité près de chez lui. « C'est un réflexe, je regarde toujours en ligne afin de comparer les offres. Je m'aperçois alors d'un gros vide, des résultats de recherches denses mais qui ne répondent pas à ma demande. » Constat : pas d'outil structuré et simple pour trouver un établissement de santé. Loïc décide alors de « créer une plateforme d'expression pour faire converger les outils patients, établissements et médecins ».

Sitôt dit sitôt fait

Obsédé par l'idée d'une aide à la décision pour les patients en recherche d'un hôpital, Loïc Raynal travaille sur son projet et lance Hospitalidée le 18 juin 2015. Le site est né, son enfant aussi. « Tout s'est passé en même temps, il y avait même Canal Plus à la clinique... Nous avons eu plus de 5 000 coupures de presse, des radios, des télés... »

Un succès soudain et inattendu pour ce professionnel du management en reconversion. Après une carrière fulgurante chez EDF, Loïc Raynal craque. « J'ai fait ce que l'on appelle un burn-out, mais pour des raisons particulières. Je résiste facilement au stress, c'est l'absence de sens de ce que je faisais qui m'a mené à cet état. » École de commerce, DEA stratégie et management, puis projet de thèse présenté à Polytechnique sur la déréglementation du marché de l'énergie... qu'il n'a pas poursuivi car il a été démarché par le groupe d'énergie qu'il envisageait de prendre comme exemple pour sa thèse. En 15 ans, Loïc a gravi les échelons jusqu'à devenir membre de l'équipe dirigeante d'une structure de 4 000 personnes à seulement 37 ans. « Dans le monde du management, on pense que la performance obéit à un seul mode de fonctionnement. Je trouve ça aberrant. Je pense qu'il faut imaginer de nouveaux modèles, être davantage sur du lien et des postures de confiance, c'est mon ambition. » Coach certifié, il a par la suite accompagné des dirigeants pour libérer la confiance avec leurs équipes. C'est dans le même état d'esprit qu'il a créé Hospitalidée.

Comment ça marche ?

Sur ce site, la parole est donc donnée aux patients. Loïc entend ainsi faire reconnaître leur expertise à travers leurs avis, et permettre aux établissements d'entendre ces expériences. Les hôpitaux peuvent ainsi s'appuyer sur un retour des patients sans qu'ils aient le statut très réglementé de « patient expert ».

Très médiatisé à ces débuts, le site a été estampillé « Tripadvisor des hôpitaux », ce qui déplaît à son fondateur, « par rapport au modèle économique, très différent du mien. Je ne demande aucune participation financière des établissements de soins ». Mais l'éthique de Loïc a été mise à mal lorsque tout le poussait, à la naissance du site, à lever des fonds d'investissement. « Clubs d'entreprise, incubateurs, technopoles... Dans l'écosystème des start-up, j'ai retrouvé une seule et même façon de se mettre en place, comme avec le management en grande entreprise. J'y suis allé naïvement, j'ai fait un business plan, puis finalement j'ai décidé de ne pas me lancer dans quelque chose qui ne me ressemblait pas. Je ne voulais pas dénaturer mon projet : libérer la parole, donner son avis, pour plus de confiance dans les établissements et les médecins. »

Pour l'hospitalité à l'hôpital...

Du côté des professionnels de la santé, le site n'a pas été aussi bien accueilli. Peur et méfiance ont été les premières réactions de la part des hôpitaux et des médecins. « Des patients qui parlent d'eux et moi qui vient d'un domaine extérieur à la santé ont donné ce résultat. J'ai ainsi découvert un monde de la santé conservateur et autoconvaincu. Selon moi, il y a dans ce projet un enjeu culturel sur l'écoute : ils doivent entendre les patients », souligne Loïc Raynal, qui transpose son cheval de bataille – un manager qui crée les conditions pour que son équipe s'exprime – à l'hôpital. « Il faut sortir de la culture d'être jugé. On est en 2019, la société change... Quand on a peur du changement, c'est l'arbre qui cache la forêt. Les critiques négatives peuvent être l'opportunité de pointer la faiblesse d'une organisation et d'y remédier. On veut bien écouter les patients s'ils ne crient pas trop fort. Certes il y a des mécontents, mais on remarque qu'ils ne parlent jamais de la qualité des soins, seulement de la prise en charge. Les mécontents étaient dans une attente relationnelle qui n'a pas été satisfaite. » Selon lui, les utilisateurs de sites d'avis sur Internet, comme les patients sur Hospitalidée, attendent simplement de la reconnaissance.

Un travail en réseau

Loïc travaille avec de nombreux partenaires, notamment des associations de patients, pour faire évoluer son outil. Il compte parmi ceux-ci : France lymphome espoir, Skin, et plusieurs centres ressources, entre autres. Outre les avis simples, les patients peuvent aujourd'hui parler d'un séjour ou d'un parcours de soin. L'insatiable innovateur a d'ailleurs été plus loin sur sa lancée en proposant l'enquête Qualipso, sur les parcours de soins en cancérologie, pour laquelle il a notamment travaillé avec un conseiller scientifique du CHU de Toulouse. Les résultats, présentés lors des 10e Rencontres de la cancérologie française en 2017, sont visibles dans les actus du site. Et les résultats de celle en cours seront publiés en octobre prochain. Le concept plaît. « Des études montrent que les patients ont trois fois plus confiance dans leurs pairs que dans leur médecin... » Pour preuve, le site reçoit de nouveaux avis chaque jour, et 1 000 visiteurs sur la seule ville de Toulouse. Dès le mois d'avril, les patients pourront « tchatter » entre eux. Les hôpitaux et les médecins quant à eux peuvent se présenter, mettre en avant spécialité et expertise. Ils ont également droit de réponse. Les prémices d'une nouvelle forme de communication patient/médecin ?

Pour en savoir plus

    Une enquête auprès des cadres et infirmiers

    Pour réaliser « Hostolib », une enquête sur la qualité de vie au travail des infirmiers et de leurs cadres, Loïc Raynal est parti de l'idée selon laquelle la qualité de la relation du patient avec le personnel hospitalier dépendait en partie de la relation de ce dernier avec l'organisation. En termes de management, on parle de « symétrie des attentions ». Son objectif : mesurer la qualité de l'expérience vécue par le personnel pour établir des corrélations avec l'expérience patient, par établissement et par spécialité. « Quelle est la capacité d'un établissement à prendre soin de ses patients s'il ne prend pas soin de son personnel ? Notre ADN, c'est la mesure du ``prendre soin'' », insiste Loïc. Pour réaliser ses questionnaires, il a travaillé conjointement avec des personnels de toute la France, dont 50 infirmiers, 34 cadres et 12 DRH. Les restitutions de l'enquête sont exclusivement destinées aux établissements professionnels de santé, pas au grand public, pour des raisons évidentes de confidentialité. Les premiers résultats seront présentés lors du Salon infirmier 2019.