Pendant longtemps négligé et encore peu investi, le domaine de l'accueil des enfants auprès d'un proche hospitalisé se structure de façon très progressive. On peut noter quelques travaux, le plus souvent confidentiels ou réservés à des services spécialisés, mais, de manière générale, la présence des enfants de moins de 15 ans est interdite dans les services hospitaliers, en particulier ceux accueillant des adultes. Il s'agit donc d'un sujet qui mérite d'être réfléchi en s'appuyant sur des expérien.ces existantes et les aides disponibles.
Comme cela a été le cas pour l'ensemble des publics, les enfants qui n'étaient pas malades ont été exclus de l'univers hospitalier à une période où le risque infectieux était prépondérant. Il s'agissait principalement d'éviter que cette population, susceptible plus que toute autre d'être porteuse de germes, ne contamine les personnes hospitalisées.
Les règlements issus de cette époque, que l'on peut situer entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, sont restés identiques. Actuellement, la règle la plus courante est encore l'interdiction d'accès des services hospitaliers aux enfants de moins de 15 ans.
Dans un souhait de rationalisation et compte tenu du faible poids du motif lié au risque de contagion, nombre d'adultes, soignants comme parents, ont développé d'autres arguments. Ainsi l'enfant, d'autant plus qu'il est jeune, ne comprendrait pas ce qu'il se passe lorsqu'un de ses parents, frère ou sœur, grand-parent est hospitalisé. Par ailleurs, le risque de traumatisme à la vue de son parent hospitalisé est, parfois à juste titre, évoqué.
Mais c'est le plus souvent oublier les capacités de l'enfant à percevoir les modifications qui sont apparues dans sa vie quotidienne et les difficultés des adultes à aborder certaines questions complexes avec l'enfant.
Dans la réalité, en considérant que l'enfant ne peut pas comprendre, les adultes dénient la vie psychique et émotionnelle de l'enfant. Ils justifient alors qu'il est trop petit pour qu'on lui dise la vérité.
L'adulte, d'autant plus qu'il est lui-même affecté par la maladie, l'hospitalisation d'un membre de la famille, a le souci de permettre à l'enfant de continuer à mener une vie d'enfant, et considère que si on lui fait part des préoccupations des adultes, cela ne lui sera pas possible.
Enfin, les adultes craignent d'être eux-mêmes en difficulté pour répondre aux questions, parfois très directes, des enfants. Ainsi, il est bien difficile pour une maman de répondre à la question de son jeune enfant qui lui demande si elle va mourir.
Les arguments des adultes risquent de ne pas tenir compte des capacités de l'enfant, de sa souffrance et de son incompréhension, sans oublier les risques et les conséquences à plus long terme, parfois jusqu'à l'âge adulte.
Contrairement aux croyances des adultes, les enfants, même très jeunes, éprouvent de multiples préoccupations lors de l'hospitalisation d'un proche, d'autant plus s'il s'agit de leur mère ou de leur père.
L'enfant entend et observe les préoccupations de son entourage ; très jeune, il ressent les émotions éprouvées par les adultes. Les enfants dès l'âge de 4-5 ans posent spontanément la question de la mort, dès qu'ils commencent à prendre conscience que certaines personnes de leur entourage disparaissent. Cela est d'autant plus vrai quand la maladie est présente pour un de leur parent. Le bébé, même de quelques mois, ressent les émotions vécues par son parent si l'autre est malade, présentant ainsi des modifications du comportement qui s'estompent si des mots simples sont mis sur les difficultés que traverse la famille.
Il est donc souhaitable que l'enfant puisse être informé des événements, avec un langage le plus adapté possible en fonction de ses capacités de compréhension, tout en faisant preuve de réalisme.
Certaines préconisations peuvent être données. Elles sont utiles aux adultes amenés à rencontrer des enfants dont un proche est hospitalisé, c'est-à-dire les membres de la famille de l'enfant, mais aussi les soignants qui s'occupent de ce parent. Ces recommandations concernent l'enfant, les soignants, le domaine sensible de la venue de l'enfant au chevet de son parent hospitalisé.
• Concernant l'enfant dont le parent est hospitalisé, il peut être rappelé la nécessité de :
– maintenir le dialogue entre le parent et l'enfant ;
– lui apporter une information, la plus exacte possible, dans des termes adaptés à ses capacités de compréhension ;
– lui assurer un accompagnement concernant dans son vécu affectif et émotionnel.
• Concernant les soignants rencontrant ces situations, il est important de leur rappeler la nécessité de se former pour répondre à ces situations, pour éviter d'être eux-mêmes envahis par leurs propres émotions, étant alors dans l'incapacité d'assurer l'accompagnement de l'enfant et de sa famille.
• Concernant les visites des enfants à l'hôpital : afin de le rassurer sur ce qu'il se passe à l'hôpital, il est souvent préférable que l'enfant puisse identifier les lieux de l'hospitalisation d'un proche. Pour cela il est possible de lui proposer une visite à l'hôpital. Afin que celle-ci se passe au mieux, il est souhaitable qu'elle soit :
– préparée : laisser le choix à l'enfant en capacité de s'exprimer sur le choix de rendre visite ou non à son parent, lui dire que jusqu'au dernier moment il peut changer d'avis ;
– d'une durée adaptée à l'âge de l'enfant ;
– organisée dans un espace adapté quand le parent peut quitter sa chambre ;
– accompagnée de « quelque chose à faire » de la part de l'enfant : apporter un verre d'eau, faire un dessin, etc.
Si l'enfant ne souhaite pas se rendre au chevet de son parent, ou si cela n'est pas possible, il est désormais permis, grâce aux moyens techniques actuels, d'entrer en contact avec son parent, de visualiser l'environnement dans lequel il se trouve, le matériel dont il a besoin, etc.
Qu'il se rende à l'hôpital ou non, le lien peut également être maintenu de différentes façons : faire un dessin ou réaliser un objet pour le parent hospitalisé, échanger grâce à un livret, par Internet, par la réalisation de vidéos, etc.
La question de la présence des enfants auprès d'un proche hospitalisé concourt à l'amélioration du vécu de la maladie, voire de la mort, tant pour le parent que pour l'enfant et l'adulte qu'il est en devenir. Il est de la responsabilité des soignants de réfléchir à l'offre qui est faite dans leur environnement de travail pour répondre aux besoins très spécifiques de cette population.
C'est parce que cette situation l'a interpellée qu'Émilie Valy, infirmière diplômée d'État, a créé l'association Familien dont la mission est de « protéger et accompagner le lien entre l'enfant et son proche hospitalisé », prenant ainsi en considération le fait que chaque année, 12 millions de Français sont hospitalisés et que 43 % des familles n'ont pas de moyens de garde pour leur enfant lorsqu'un des deux parents est hospitalisé.
Au sein de Familien, la créatrice est accompagnée d'une équipe féminine, aux profils variés : psychologue, chargée de communication, graphiste, illustratrice, designer... Toutes partagent motivation, investissement, dynamisme, ouverture d'esprit, souci de se former, ce qui leur permet d'être compétentes sur ce thème.
Plusieurs axes sont mis en œuvre pour remplir les objectifs : la mise en place de temps d'accueil permettant à l'enfant de voir son parent en cas d'hospitalisation ; la garde des enfants afin que les parents dont l'un est hospitalisé puissent se retrouver, s'occuper d'un autre enfant hospitalisé, se rendre ensemble à un rendez-vous médical ; la mise à disposition d'un accompagnement individuel pour les familles qui le souhaitent ; l'accompagnement des équipes ; la formation des professionnels de santé sur ces questions.
Il faut noter la disponibilité sur le site Internet de Familien de multiples documents téléchargeables et très utiles pour les familles comme pour les soignants afin de mettre des mots adaptés aux enfants sur les situations difficiles en lien avec la maladie, l'hospitalisation, la mort.
Créée en 2017, cette jeune association, très structurée, est soutenue par de nombreux partenaires. Elle a déjà reçu plusieurs récompenses depuis sa création.
→ Pour en savoir plus : Association Familien, 8, place Georges-Pompidou, 69290 Saint-Genis-les-Ollières. Site Internet : www.familien.fr