Objectif Soins n° 270 du 01/09/2019

 

Actualités

Claire Pourprix  

Gerontologie

Infirmière, députée LREM de la huitième circonscription de la Loire-Atlantique, Audrey Dufeu-Schubert s'est vu confier par le Premier ministre une mission gouvernementale sur " La place et l'image des aînés dans notre société". Elle nous dévoile les contours et les objectifs de ce travail qui sera rendu public en amont du projet de loi « Grand âge et autonomie » à l'automne. Et saisit cette occasion pour défendre les professions paramédicales.

En quoi consiste la mission gouvernementale sur « La place et l'image des aînés dans notre société » ?

Je travaille depuis septembre 2018 au sein d'un « laboratoire d'idées », que je coanime avec le Pr. Gilles Berrut (président du gérontopôle des Pays de la Loire), sur la question des discriminations liées à l'âge et du regard que porte la société sur les personnes vieillissantes. La mission que m'a confiée le Premier ministre s'inscrit dans le contexte du projet de loi « Grand âge et autonomie » qui doit être présenté par la ministre des Solidarités et de la Santé à l'automne. Ma mission porte sur trois axes : faire un état des lieux des discriminations liées à l'âge et les mettre en perspective avec le droit de la personne âgée ; identifier les leviers permettant de valoriser la place des personnes âgées dans notre société afin de promouvoir une image plus positive ; identifier les actions permettant de réconcilier les générations (au sein des programmes scolaires, dans le cadre du service national universel ou encore via le bénévolat). L'ensemble de ce travail aboutira à la remise d'un rapport mi-octobre, pour communiquer sur le sujet en amont du texte de loi. L'enjeu est de ne pas stigmatiser une catégorie de la population, de ne pas mettre les gens dans les cases. A ce titre, la sémantique a une grande importance : doit-on parler de grand âge ? d'avancée en âge ? De même, il ne faut pas se focaliser uniquement sur la dépendance : 15 % des personnes de plus de 65 ans sont dépendantes, cela veut dire que 85 % ne le sont pas. La personne ne doit pas être résumée à son âge, sa pathologie, chacune a un passé, une richesse, une expérience. Il nous faut donc trouver des solutions pour valoriser les personnes vieillissantes, améliorer les conditions de fin de carrière, repenser notre rapport à la mort. En effet, derrière le déni du vieillissement se cache souvent une peur de la mort qui constitue sans doute le nœud du problème.

Votre fonction d'infirmière vous est-elle utile dans cette mission ?

Cette mission donne du sens à mon mandat, je la réalise avec mon regard de soignante, de politique et de citoyenne car c'est un sujet qui me tient à cœur, avec une portée sociétale et humaniste. En tant qu'infirmière puis comme directrice d'établissement accueillant un service de soins palliatifs, j'ai été interpellée par les différences d'accompagnement en fin de vie des patients jeunes et des plus âgés. Cela m'a questionnée sur les droits effectifs des personnes en fonction de leur âge. Le fait d'être infirmière donne confiance et crédibilise mon travail : la compétence infirmière est relationnelle, avant d'être technique, et je m'en sers au quotidien pour entrer facilement et rapidement en contact avec les gens. Je sais les écouter, les mettre en confiance quel que soit leur statut. La décision du Premier ministre de confier cette mission à une députée non-médecin est à souligner. Je suis d'autant plus fière de représenter les paramédicaux sur ces questions, à l'heure où la filière est très tendue, notamment dans les Ehpad et aux urgences. Il y a une réelle nécessité de changer le regard de la société sur les métiers paramédicaux car demain nous aurons besoin d'être en nombre pour prendre soin des personnes âgées. J'espère que cette mission jouera en faveur de la reconnaissance des professions paramédicales, de la filière gérontologique et gériatrique. Demain la population âgée à domicile sera multipliée par deux ou trois, les infirmières libérales seront en première ligne.

Vous menez ce travail seule, il touche à de nombreuses spécialités. Comment vous organisez-vous ?

La question de la place des aînés ne doit pas être réduite au seul secteur médico-social. Elle touche différents ministères et toutes sortes de structures : les associations de patients, les Ehpad, les collectivités territoriales, les médias et notamment l'audiovisuel... qui ont un rôle clé dans l'impulsion d'une image positive des personnes âgées. Mon travail repose sur des auditions individuelles et des visites de terrain. Fin juillet, je réaliserai un tour de France du grand âge afin d'échanger avec les acteurs locaux et recueillir des propositions. Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur le sujet, les modèles des pays nordiques et du Canada sont très intéressants. Mais nous ne pouvons pas copier un modèle existant : chaque pays a sa culture à nous d'inventer notre propre modèle.