La valeur ajoutée de l'infirmier en santé mentale dans le traitement de la dépression sévère par la kétamine : supervision du cadre de santé | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 270 du 01/09/2019

 

Sur le terrain

Dossier

Sylvaine Vanier  

Depuis quatre ans le pôle hospitalo-universitaire psychiatrie Paris-15 propose un traitement innovant pour la prise en charge de la dépression sévère : la kétamine par seringue auto-pousseuse. Sur prescription médicale, les infirmiers préparent et dispensent ce traitement. Il s'agit là d'une réelle valeur ajoutée de l'infirmier en santé mentale. Car, au-delà du geste technique, la relation soignant-soigné prend ici tout son sens. Le cadre de santé accompagne les équipes dans ces nouvelles prises en charge de patients. Il est le garant du bon déroulement de ce nouveau soin.

La kétamine est un produit classiquement utilisé comme agent anesthésique mais qui possède également à faibles doses un intérêt certain, démontré ces dernières années dans le traitement de la dépression résistante et de la crise suicidaire. Depuis 2015, le service hospitalo-universitaire, utilise de façon régulière ce médicament. Prescrit par le médecin, réalisé par l'infirmier, la kétamine, un produit anesthésique qui agit sur les neurotransmetteurs de type glutamatergique dans le système nerveux central, semble avoir un effet rapide et puissant contre les symptômes dépressifs et les idées suicidaires.

Quelques définitions

La dépression résistante

Elle peut être définie comme l'absence de réponse après au moins deux essais avec des antidépresseurs de classes différentes, prescrits séparément à doses adéquates pendant une période suffisante d'au moins six semaines chacun.

La distinction de niveaux de résistance comporte un intérêt pratique. Tout d'abord, c'est un outil qui peut être contributif dans le choix des stratégies pharmacologiques potentielles. Ensuite, cela peut être un indicateur pour évaluer le risque d'échec ou de réussite d'une nouvelle option pharmacologique.

À cet effet, la méthode Maudsley a été retenue car elle permet une évaluation intégrant les principaux paramètres liés à la notion de résistance (durée, sévérité initiale de la dépression, nombre et types de traitements essayés). Un traitement doit être prescrit au moins pendant 6 semaines pour être considéré comme adéquat et selon les situations observées on détermine un score global. Un score situé entre 3 et 6 caractérise une résistance légère, entre 7 et 10 une résistance modérée et enfin de 11 à 15 une résistance sévère.

La crise suicidaire

La crise suicidaire est une crise psychique dans un contexte de vulnérabilité avec émergence et expression d'idées suicidaires, dont le risque majeur est le suicide.

Le suicidaire est l'individu ayant et/ou exprimant verbalement ou non verbalement des idées suicidaires.

Les idées suicidaires correspondent aux pensées qui ont trait au désir et à la méthode de se donner la mort. Elles constituent un continuum allant des idées morbides vagues et floues jusqu'à une planification élevée avec un scénario établi. Quand ces idées sont exprimées en suggérant que le passage à l'acte est imminent, on parle de menace suicidaire.

La tentative de suicide (TS) est un comportement auto-infligé avec intention de mourir (évidence implicite ou explicite) sans issue fatale.

Le suicidant est l'individu survivant à sa tentative de suicide.

La gravité du risque suicidaire peut être évaluée avec l'échelle d'évaluation de Columbia C-SSRS (Posner et al., 2008). Deux analyses parues dans le Harvard Review of Psychiatry montrent que la kétamine révolutionne le traitement de la dépression sévère. Son effet est puissant et elle réduit drastiquement les idées suicidaires. Les bénéfices attendus sont : puissance et rapidité antidépressive, réduction rapide des idées suicidaires et impact en neuroimagerie.

indications et contre-indications du traitement par kétamine

Le traitement par kétamine est indiqué chez les patients adultes souffrant de dépression résistante ou ayant un risque suicidaire particulièrement important.

Pour la mise en œuvre de ce traitement, une consultation d'anesthésie n'est pas nécessaire, le dosage de kétamine utilisé n'entraînant pas d'anesthésie.

Les critères d'exclusion sont cependant multiples ; on peut citer par exemple :

• le risque de convulsion, qui est contrôlé par EEG ;

• les troubles modérés à sévères de l'usage d'alcool ou de substances toxicologiques – sauf nicotine et caféine – dans les 6 derniers mois ;

L'information au patient de la nature du protocole et de la balance bénéfice/risque est requise : le patient est informé par le médecin prescripteur et si besoin par ses collaborateurs de la nature du protocole (indication, objectifs, déroulement, balance bénéfice/risque, plan de gestion des risques).

Le patient signe un formulaire de consentement avant la première perfusion. Le consentement sera renouvelé avant chaque perfusion, sur indication médicale. La prescription et la posologie sont réalisées par le médecin.

Le geste technique de l'infirmier

La kétamine se présente sous forme de solution injectable. Différentes ampoules sont disponibles. Dans ce protocole, l'ampoule utilisée pour la perfusion intraveineuse est de 50 mg/5 mL (soit une concentration de 10 mg/mL).

Administration de la kétamine

Le matériel nécessaire est :

• seringue auto-pousseuse (SAP) ;

• seringue de 50 mL à usage unique pour SAP (graduation de 1 mL en 1 mL) ;

• tubulures avec robinets pour SAP ;

• prolongateur pour SAP ;

• médicament à administrer : 1 ampoule de kétamine en solution injectable de 50 mg/5 mL + seringue + aiguille pour la préparation du produit ;

• véhicule de perfusion selon la prescription médicale : les solvants compatibles sont le chlorure de sodium à 0,9 % (poche de 50 mL) et le glucose à 5 % (poche de 50 mL) ;

• antiseptique de type Bétadine®, compresses stériles, conteneur à aiguilles ;

• cathéter court (Cathlon®) bleu ou rose ;

• Dynamap® ;

• chariot d'urgence fonctionnel dans l'unité de soin.

La réalisation du soin consiste à :

• vérifier la prescription médicale ;

• s'assurer de la présence du patient dans sa chambre et le prévenir du soin qui va être réalisé ;

• vérifier le bon fonctionnement de la SAP ;

• effectuer un lavage antiseptique des mains ;

• préparer la seringue selon la prescription médicale : la posologie (en mg) et le volume (en mL) à prélever sont précisés ;

• compléter la seringue de 50 mL avec du chlorure de sodium en solution injectable à 0,9 % ;

• coller une étiquette sur la seringue mentionnant le nom du patient, le produit à administrer, la quantité à injecter, le débit, les horaires de début et de fin ;

• installer la SAP sur une surface plane et stable près du lit du patient, du côté de la perfusion ;

• effectuer un lavage antiseptique des mains ;

• insérer la seringue sur la SAP ;

• à l'aide d'une compresse imbibée d'antiseptique, adapter le prolongateur de la seringue au robinet à trois voies ou de la rampe ;

• fermer ce robinet du côté du prolongateur ;

• sélectionner la marque de la seringue ;

• régler le débit en mL/h : 75 mL/h ;

• ouvrir le robinet de la perfusion ;

• tracer l'administration sur l'imprimé « relevé nominatif des stupéfiants injectables administrés ».

Surveillance

• L'infirmier reste dans la chambre du patient durant toute l'injection : prise de paramètres vitaux, surveillance de la conscience, réassurance du patient, surveillance des effets produits par la kétamine (déréalisation, dépersonnalisation) et des effets indésirables.

• Prise de pression artérielle avant de débuter le traitement, puis toutes les 15 minutes pendant 1 heure, et toutes les demi-heures la deuxième heure.

• Surveillance de la fréquence respiratoire au même rythme.

• Saturation en continu : noter la valeur toutes les 15 minutes pendant une heure puis toutes les 30 minutes la deuxième heure.

• Échelle CADSS à 35 minutes réalisée par le médecin.

• Échelle MADRS avant, puis 2 heures après le début de la perfusion et le lendemain, par le médecin.

• Surveillance locale du point de ponction

• Vérification de l'écoulement correct du produit.

• Notation du soin dans le dossier de soins infirmiers.

• Notation sur la feuille de surveillance : heure, tension, pouls, saturation, température, fréquence respiratoire, conscience.

Entretien et maintenance du matériel

• Nettoyage quotidien de l'appareil SAP et après chaque utilisation avec un détergeant-désinfectant.

• Selon le modèle de SAP utilisé, rangement et branchement de l'appareil sur secteur ou rechargement des batteries.

• Vérification régulière des batteries.

• Signalement de tout dysfonctionnement.

L'article R. 4311-2 du Code de la santé publique relatif à l'exercice de la profession d'infirmier stipule que : « Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l'évolution des sciences et des techniques. »

La relation soignant-soigné

Pour tout ce qui concerne le geste technique de l'infirmier, le rôle du cadre est de créer une ambiance de travail sécurisante et de favoriser le travail en commun. Il est disponible et coopère avec son équipe. Le cadre communique, écoute et donne du sens au travail des soignants.

Au-delà du soin technique, la présence infirmière auprès du patient est essentielle et peut lui apporter beaucoup.

L'article R. 4311-5 du Code de la santé publique relatif à l'exercice de la profession d'infirmier stipule que : « Dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier accomplit les actes ou dispense les soins suivants (...) entretien d'accueil privilégiant l'écoute de la personne avec orientation si nécessaire ; aide et soutien psychologique. »

Les infirmiers apprennent à établir une communication professionnelle, c'est-à-dire consciente, lucide, chaleureuse et responsable.

La communication fonctionnelle est celle de tous les jours, elle est spontanée et ne nécessite pas l'emploi de techniques particulières.

La relation d'aide suppose des techniques de communication et des aptitudes pour l'aidant.

Toute relation est une communication, mais toute communication n'est pas nécessairement une relation d'aide.

L'équipe a bien compris cette différence. Dans la réflexion et l'écriture de ce projet, les soignants ont choisi des valeurs et des concepts en lien avec des auteurs qui ont particulièrement travaillé sur le sujet. Ainsi pour la relation soignant-soigné, les auteurs retenus sont Margot Phaneuf et Alexandre Manoukian. Pour la distance professionnelle, Pascal Prayes et Catherine Deshays sont privilégiés. Enfin pour la relation d'aide, ce sont Carl Rogers et Christine Paillard qui sont à l'honneur.

Exemples de deux situations cliniques

Les deux situations suivantes peuvent permettre de mieux comprendre cette relation soignant-soigné.

Exemple de la prise en charge de Melle N.

Jeune étudiante de 23 ans, Melle N. est bien connue de l'unité, où elle est suivie pour dépression résistante. Le traitement par kétamine lui a été proposé. Elle vient deux fois par semaine en ambulatoire. À chaque fois elle est accueillie par l'une des deux aides-soignantes de l'unité, maillons essentiels de la chaîne du soin. Elles exercent quotidiennement au plus près du patient et contribuent à son bien-être. Les infirmiers savent que la communication est un besoin fondamental de l'être humain, qu'elle est la base de tous nos rapports en société. Par cette communication, c'est un processus d'échange et de partage d'informations et de sentiments qui se déroulent entre soignant et soigné, qui s'exprime dans un langage verbal et non verbal. La prise en charge de cette patiente se passe bien, elle communique, elle a confiance en l'équipe soignante. Les infirmiers qui s'occupent de Melle N. communiquent avec elle avec simplicité, clarté, concision, précision. La congruence, l'adaptabilité, la politesse et la considération sont au rendez-vous. Une infirmière m'explique que tout en prodiguant les soins à Melle N., elle communique avec elle car, dit-elle, « la communication verbale est vectrice d'information et de compréhension, la communication non verbale nous renseigne sur de nombreux détails. Les attitudes d'accueil et de réceptivité permettent l'écoute et l'acceptation de l'autre ». Une autre infirmière me précise : « Avec Melle N., j'utilise les habiletés de réceptivité car ce sont celles qui montrent à la personne que je suis à l'écoute. Cela comprend les comportements non verbaux qui se manifestent par mon attention et mon intérêt. Il s'agit de mon contact visuel, de mon expression faciale, de l'intonation de ma voix. Il y a aussi ma posture, ma distance, mon toucher. » Les infirmiers sont unanimes : « La relation soignant-soigné peut se créer lorsque les échanges sont chaleureux et signifiants. Une relation soignant-soigné doit être chaleureuse, attentionnée et porteuse de sens. »

Melle N. exprime son ressenti en ces termes : « J'étais souffrante et anxieuse, grâce à vous j'ai vécu une expérience où je me suis sentie moins seule dans la recherche de réponses à mes besoins. En tant que soignants, vous avez été animés par le goût de connaître, de comprendre et d'accueillir ma situation, comme elle est, sans aucun jugement. Je me suis sentie écoutée et comprise. Vous êtes là, en tant qu'aidants pour m'aider à trouver, à remobiliser mes capacités, par votre présence chaleureuse et agissante. »

Exemple de l'accompagnement de M. I.

M. I., 55 ans, en activité professionnelle, vient chaque semaine dans le service pour recevoir son traitement par kétamine pour un risque suicidaire important. Il a trouvé auprès de l'équipe l'approche relationnelle dont il avait besoin. Cette relation de soutien avec les infirmiers est rendue possible car les techniques d'entretien qui lui sont proposées utilisent l'empathie, la reformulation, les interventions verbales et non verbales. Cette relation a pu s'établir lors de l'acte de soins car elle est fondée sur le dialogue et l'écoute. Il y a des échanges constructifs, une réciprocité qui sous-entend une compréhension mutuelle, donner et recevoir. M. I. a le sentiment, comme l'explique Christine Paillard, que cette approche est centrée sur sa personne, qu'elle est perçue, reçue comme une opportunité de laisser libre cours à l'expression de ses sentiments, en présence d'un intervenant préparé. Une des infirmières évoque que l'acte d'aider demande des exigences car « il faut donner de son temps, de sa compétence, de son savoir, de son intérêt, de sa capacité d'écoute, de sa compréhension ».

M. I. confie : « J'étais fragilisé par la maladie et l'inquiétude de mon devenir. Vous m'avez aidé à identifier et verbaliser mes craintes, mes appréhensions face à cette situation. Vous m'avez apporté du soutien, donné des explications, des informations adaptées. Vous m'avez aidé à identifier mes propres ressources. Vous avez contribué au cheminement et à la recherche de sens pour mon projet de vie. Vous avez été le dépositaire bienveillant et attentif de mes réactions et manifestations. »

Communication fonctionnelle et relation d'aide

La relation d'aide est une ouverture à l'autre, qui l'aide à se construire à travers une expérience difficile de sa vie. Les infirmiers en santé mentale utilisent les outils et les habiletés pour exercer cette relation d'aide. Ils ont une proximité physique, une disponibilité affective calme et chaleureuse, une attitude tournée vers la personne, une présence, une écoute qui suscitent la confiance, une posture d'écoute. Les infirmiers de l'unité sont dans la posture de l'aidant selon Carl Rogers car ils font preuve de congruence, d'authenticité, ils sont dans la compréhension du cadre de référence de l'autre, l'acceptation de l'autre, ils acceptent l'autre du point de vue de son potentiel.

La communication fonctionnelle et la relation d'aide en soins infirmiers sont enseignées en institut de formation en soins infirmiers car les patients ont besoin de soutien pour vivre et accepter une situation difficile ou pour être aidés à devenir plus autonomes. Les infirmiers en santé mentale utilisent leur savoir-faire avec des modes d'intervention comme l'écoute active ou la reformulation, le mode exploratoire, le reflet des sentiments, la confrontation ou identification honnête. Leur savoir-être leur permet d'avoir des attitudes telles que l'empathie, le respect, la congruence ou l'authenticité.

Évolution de la profession vers de nouvelles compétences

Ce soin par kétamine s'inscrit dans le registre des nouvelles prises en charge de patients. Le rôle du cadre est primordial dans le développement des compétences de son équipe.

Le système de santé a évolué pour faire face aux besoins des patients. Les infirmiers contribuent à cette transformation. C'est une formation et une profession qui a su évoluer avec le temps.

Des infirmiers de secteur psychiatrique aux infirmiers de pratique avancée (IPA)

• En 1992 : les élèves deviennent des étudiants et les écoles des Ifsi. C'est le diplôme d'État « généraliste » et la fin de la formation spécifique des infirmiers de secteur psychiatrique.

• En 1999 : c'est le début de l'universitarisation. En 1998 l'idée de l'uniformisation du système d'études supérieures européen voit le jour grâce aux ministres de l'Enseignement supérieur français, allemand, britannique et italien. Un an après le processus de Bologne est lancé par 29 pays. Apparaissent alors les notions de crédits européens (ECTS) ou encore le système licence-master-doctorat (LMD).

• Le 31 juillet 2009, l'arrêté relatif au diplôme d'État infirmier est publié au Journal officiel. Il signe le début d'une formation innovante et d'une nouvelle génération d'infirmiers. Le nouveau programme introduit les notions de compétences, réflexivité, portfolio, partenariat avec l'université, grade de licence ; rôle propre, plus d'autonomie, plus de responsabilités, évolution du métier d'infirmier vers les pratiques avancées.

• IPA : deux décrets et trois arrêtés publiés au Journal officiel du 19 juillet 2018 officialisent l'exercice infirmier en pratique avancée. C'est une nouvelle voie d'évolution et d'expertise pour la profession. Les IPA disposeront de compétences élargies à l'interface de l'exercice infirmier et de l'exercice médical. Les bénéfices attendus sont de nouvelles perspectives de carrière avec l'opportunité d'un mode d'exercice plus autonome et d'une meilleure reconnaissance, y compris financière. Ainsi les patients bénéficieront d'une amélioration de l'accès aux soins, d'une prise en charge diversifiée et d'une meilleure articulation des parcours entre ville et hôpital. L'idée est de prendre en charge les patients autrement grâce à une nouvelle organisation du parcours de santé en tenant compte de l'efficience, des besoins et de la satisfaction du patient en collaboration pluriprofessionnelle et pluridisciplinaire. En septembre 2019, un quatrième champ de compétence va s'ouvrir pour la pratique avancée infirmière : la psychiatrie et santé mentale.

Quel est le rôle de l'encadrement dans ces évolutions ?

Une des missions du cadre est d'évaluer les compétences professionnelles de son équipe. Avec l'augmentation de la complexité et de la spécialisation des soins, il est important de pouvoir compter sur une équipe efficace dans le domaine de la santé. Chaque membre de l'équipe a un niveau de connaissances et de compétences différent. La possibilité d'aller se former, d'analyser ses pratiques doit être mise en œuvre. Le cadre identifie les besoins en formation des personnels et participe à leur formation en adéquation avec le projet de soins. Il adapte les pratiques professionnelles au projet médical d'établissement. Le cadre de l'unité met en place avec son équipe des fiches techniques, des documents qualité pour poser le cadre réglementaire, expliciter le geste technique et rappeler l'importance de la relation soignant-soigné. Il se positionne comme une personne ressource, un coach, un expert, aidant et rassurant les infirmiers au long cours. En tant que bon manager, il a un esprit positif pour entretenir la motivation de son équipe. Il reconnaît et valorise les savoirs de chacun et oriente le savoir partagé. L'art de l'encadrement est de donner envie, de dynamiser tout en respectant la créativité de chacun. Le cadre est là pour rappeler le but commun et clairement défini, les intérêts collectifs et le sentiment de responsabilité partagée. Les objectifs doivent être mesurables. Le cadre est un évaluateur, il incarne les valeurs professionnelles, il coordonne son équipe et les soins donnés aux patients.

Pour assurer la qualité des soins, les infirmiers de psychiatrie ont bien conscience que les soins techniques et organisationnels sont complémentaires des soins relationnels. L'infirmier y parvient en conjuguant son savoir, son savoir-faire et son savoir-être à celui de la personne soignée dans une relation empreinte d'acceptation, de compréhension.

Dans cette nouvelle approche thérapeutique, chaque membre de l'équipe soignante – médecins, secrétaire, paramédicaux – a son implication, ce qui permet une prise en charge optimale.

Conclusion

La kétamine révolutionne la prise en charge de la dépression sévère. C'est une évolution majeure. Elle offre de belles perspectives dans la prise en charge de la dépression. L'infirmier en santé mentale est un véritable atout dans la complémentarité du soin médical et pour la qualité de vie des patients. Son expertise et son rôle propre favorisent le bon déroulement du soin. Il faut valoriser ce rôle infirmier dans l'administration de la kétamine car à travers la surveillance de ce traitement, les soignants peuvent développer une approche relationnelle de qualité et adaptée auprès des malades. Le cadre de santé, tout en étant attentif au développement des compétences professionnelles de son équipe, est le guide au quotidien pour l'encadrer dans ces nouveaux soins dispensés en service hospitalier.

Bibliographie

    Témoignage de Nathalie Robert et Alexandre Goubet, infirmiers diplômés d'État de l'unité hospitalo-universitaire

    « Nous sommes infirmiers au service hospitalo-universitaire depuis plusieurs années. Les soins réalisés sont de nature technique et relationnelle. Depuis un certain temps notre activité a évolué et nous assurons régulièrement des traitements par kétamine pour les patients en dépression résistante.

    L'unité accueille des patients en grande souffrance et les soins apportés avant, pendant et après la kétamine sont primordiaux.

    La voie d'administration usuelle est par seringue auto-pousseuse. La kétamine est rangée dans le coffre à stupéfiants. Nous vérifions la prescription médicale, puis nous préparons la seringue. Nous posons la seringue auto-pousseuse sur une surface plane et stable près du lit du patient.

    Le chariot d'urgence fonctionnel se trouve dans l'unité.

    La surveillance nécessaire est de rester dans la chambre du patient durant toute l'injection. Nous surveillons les paramètres vitaux et les effets produits par la kétamine. Nous rassurons le patient. Certains patients sont détendus, d'autres sont plus anxieux, un petit nombre éprouve le besoin d'écouter une musique douce et apaisante. Nous notons les dires et ce que ressent le patient.

    La surveillance de cette nouvelle prise en charge nous a permis de développer notre approche relationnelle. Notre attitude est tournée vers la personne. Nous faisons preuve de congruence et d'authenticité. Nous sommes dans la posture de l'aidant.

    Ce soin est noté dans le dossier de soins infirmiers informatisé.

    Nous notons une rapidité de l'efficacité observée sur l'humeur et l'amendement rapide de la crise suicidaire.

    Selon l'Organisation mondiale de la santé, quelque 300 millions de personnes dans le monde souffrent de dépression. Cette maladie limite grandement la capacité à mener une vie quotidienne normale. Elle est très handicapante pour ceux qui en souffrent. Les cas les plus graves peuvent mener au suicide. C'est ainsi que le Spravato, premier antidépresseur en spray nasal contenant de l'eskétamine, a été approuvé aux États–Unis. Il va pouvoir aider les patients qui résistent aux traitements actuels. Il sera administré à l'hôpital pour surveiller les effets secondaires. »

    Témoignage de Damien Capponi, infirmier diplômé d'État de l'unité hospitalo-universitaire

    « Je suis arrivé au centre hospitalier Sainte-Anne en 2018 en ne connaissant que peu de choses sur l'utilisation de la kétamine, du moins en psychiatrie. Après plusieurs administrations de cette dernière, j'ai remarqué qu'outre la technicité de la préparation et de l'administration, la perfusion de kétamine est un soin qui mobilise la quasi-totalité de nos compétences infirmières, tant sur notre rôle prescrit que sur notre rôle propre. De plus, il est important de noter que l'aspect relationnel autour de ce soin est primordial. Les infirmiers en psychiatrie sont accompagnants durant ce soin. La perfusion de kétamine nécessite une surveillance accrue du patient durant la diffusion du produit, nous devons donc nous rendre disponibles auprès de lui en continu.

    Les effets de la kétamine sont « personnes-dépendants », c'est-à-dire que les patients ressentent des effets différents (état dissocié, modification de perception sensorielle et de la réalité espace/temps), ce qui rend la relation soignant-soigné unique.

    La kétamine pouvant induire des sentiments d'anxiété, d'angoisse, d'euphorie, d'apaisement, les savoirs et savoir-être qui sont assez spécifiques en psychiatrie sont importants. En effet les infirmiers en santé mentale accompagnent le patient, le rassurent, l'encadrent pendant le soin par le biais de la relation d'aide et d'une communication adaptée.

    Dans un contexte où le patient est détendu durant la diffusion du produit, ce soin peut-être assez propice à un échange thérapeutique. La kétamine pouvant amener un moment de détente, de « demi-sommeil » chez certains patients, ces derniers peuvent libérer plus aisément leur parole et amener chez le soignant une connaissance plus approfondie sur leur histoire de vie.

    Dans un contexte où le patient est anxieux ou angoissé, les infirmiers rassurent le patient, mènent un entretien d'aide efficace lié à leurs connaissances acquises par l'expérience dans le domaine de la psychiatrie, l'apprentissage et la formation continue. »