Vaccination contre la grippe : donner l'impulsion - Objectif Soins & Management n° 270 du 01/09/2019 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 270 du 01/09/2019

 

Actualités

Lisette Gries  

Santé publique

La présence d'un référent au sein de l'équipe médicale ou encadrante, ainsi que l'implication de la direction, sont des facteurs de réussite des campagnes internes de vaccination contre la grippe saisonnière et limitent ainsi les infections nosocomiales. C'est ce qui est ressorti des interventions de plusieurs soignants lors du congrès de la SF2H.

Plusieurs intervenants du récent congrès de la Société française d'hygiène hospitalière (SF2H)(1) ont souligné le rôle déterminant d'un « leader » au sein de l'établissement dans l'efficacité des campagnes de vaccination contre la grippe, dans un contexte de faible couverture vaccinale parmi les soignants.

Le Pr France Borgey, hygiéniste à Caen, a ainsi étudié et accompagné les campagnes de vaccination mises en place dans 11 Ehpad de sa région. « Il apparaît très clairement que lorsqu'une personne porte ces efforts, la couverture vaccinale n'en est que meilleure », a-t-elle remarqué. Ce référent, lui-même vacciné, est alors également vaccinateur et se charge d'animer la campagne par des supports pédagogiques. Il peut s'agir d'une cadre de santé ou d'un médecin, par exemple. Dès la première campagne de vaccination en 2014-2015, la couverture vaccinale globale, sur les 11 établissements, s'élevait à 33,7 % contre 27,9 % l'hiver précédent.

Dans les établissements où un leader s'est ensuite démarqué, ce taux n'a cessé de progresser, atteignant 59,2 % en 2017-2018. « La présence d'un leader au sein de l'établissement est un facteur évident de réussite, mais c'est aussi une faiblesse de ce système, qui est mis à mal dès lors que la personne référente ne travaille plus dans l'Ehpad », a-t-elle souligné.

Délégués vaccinaux

Au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) de Lausanne, Philippe Bressin, cadre hygiéniste a fait une observation similaire. « L'engagement de la direction est déterminant, a-t-il affirmé. Il faut que la promotion de la vaccination soit faite par l'hôpital. » En plus des supports pédagogiques mis à disposition des soignants et des séances de vaccination gratuites organisées aux endroits et aux moments stratégiques, le CHUV affiche ainsi clairement depuis 2015 son souhait de voir ses salariés se faire vacciner. « Dès que l'on entre en période épidémique, tous les soignants non-vaccinés doivent porter un masque en permanence. Cette contrainte pousse une partie du personnel à se faire vacciner », détaille-t-il.

Le statut vaccinal est connu par une pastille de couleur apposée sur le badge professionnel des soignants. « Plus d'une centaine de délégués vaccinaux ont été désignés : ils assurent la vaccination de leurs pairs dans leur service, soit un tiers environ des injections », a-t-il ajouté. Dans son établissement, la couverture vaccinale est passée de 29,5 % en 2011 à près de 50 % du personnel en 2018-2019.

Protéger les patients fragiles

À l'inverse, sans ces efforts, les campagnes de vaccinations peuvent se révéler inefficaces. Ainsi, dans les quatre Ehpad sans leader étudiés par France Borgey, malgré des campagnes de sensibilisation annuelles, le taux de vaccination est tombé à 25,6 % en 2017-2018. Pourtant, un taux de vaccination de 35 à 40 % des soignants est nécessaire pour lutter contre la grippe nosocomiale. « Une grippe sur deux ayant nécessité l'hospitalisation du patient est d'origine nosocomiale », a rappelé Bruno Lina, professeur de virologie à Lyon (Croix-Rousse) et responsable du centre national de référence contre la grippe (2). Et d'ajouter : « La grippe est la troisième cause d'entrée en dépendance. »

Jacques Gaillat, spécialiste en médecine interne au CH d'Annecy-Genevois, a quant à lui expliqué que les épidémies de grippe sont corrélées avec des périodes où le nombre de fractures du col du fémur augmente. « Les infarctus du myocarde, les décompensations cardiaques ou encore les AVC comptent parmi les complications de la grippe chez les sujets fragiles », a-t-il complété. Ainsi, même si le vaccin n'est pas efficace à 100 %, mais plutôt autour de 60 %, il permet de limiter ces cas graves.

(1) La société française d'hygiène hospitalière (SF2H) a tenu son 30e congrès annuel du 5 au 7 juin, à Strasbourg, www.sf2h.net

(2) Une vidéo du Pr Bruno Lina sur les moyens à mettre en œuvre des campagnes de lutte efficace contre la grippe nosocomiale est disponible sur internet : https://www.grippe-ofcours.fr/video3.html

L'obligation vaccinale : une bonne idée ?

Prévue dans le code de Santé publique en 2006, puis révoquée par un décret la même année, l'obligation faite aux soignants de se vacciner contre la grippe fait régulièrement débat. Les syndicats infirmiers sont globalement opposés à cette mesure. 81 % des personnels hospitaliers du CH Sud Seine-et-Marne qui ont répondu à une enquête de Catherine Métais, infirmière hygiéniste, se sont prononcés contre cette notion. Pourtant, dans les établissements, d'autres voix se font entendre. « L'obligation nous simplifierait la vie » a ainsi résumé un des personnels encadrants interrogés par le Pr France Borgey, du CHU de Caen. De fait, parmi les répondants vaccinés à l'étude de Catherine Métais, seuls 49 % considèrent que la vaccination est un devoir pour les soignants. Parmi les non-vaccinés, 20 % estiment ne pas faire partie des populations à risque.