Conduire des transformations à l'hôpital - Objectif Soins & Management n° 271 du 01/10/2019 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 271 du 01/10/2019

 

Management des soins

Dossier

Jean Pagès  

De nouvelles voies managériales, positives, participatives et constructives, se révèlent prometteuses dans la conduite de transformations, guidée par deux principes indispensables : le respect du temps nécessaire à l'intégration par tous des actions nouvelles et la nécessité d'impliquer toutes les parties prenantes dans la construction du changement. Quand l'hôpital prend soin de lui-même, pour un « mieux vivre et être » au travail...

Un manager éclairé et un collectif engagé

Dans un grand centre hospitalier universitaire, le chef du pôle de psychiatrie décide d'engager, à l'occasion de sa prise de fonction, une action collective pour définir le projet du pôle sur un mode positif, participatif et constructif. Il fait appel à une équipe de consultants « appréciatifs » et monte un groupe de travail composé des membres du bureau du pôle, qui donnera l'orientation générale, suivra toute la démarche et en tirera les conclusions. Il est alors décidé que les journées d'échanges permettant de recueillir les expériences et les propositions des agents seront ouvertes à tous les personnels du pôle, soit près de 600 personnes. Un groupe projet est également constitué avec des personnels variés (infirmières, psychologues, assistantes sociales, médecins, agents techniques, etc.) qui peaufine l'orientation et prépare ces journées.

Les équipes accueillent favorablement cette initiative et, malgré la charge de travail et les contraintes horaires, la participation et l'engagement dans les journées d'échanges sont forts. Plusieurs réunions ont donc lieu, qui permettent une découverte ou redécouverte des savoir-faire, qualités et talents de tous. Les forces des individus, des équipes et le socle d'excellence du service apparaissent ainsi au grand jour. L'orientation proposée s'avère fructueuse et de nouvelles actions sont envisagées pour nourrir le développement du pôle, cela dès les premières réunions.

« Une petite impatience ruine un grand projet » (Confucius)

Cependant, alors que toutes les parties prenantes n'ont pas encore été entendues, une pression se fait sentir : pourquoi ne pas mettre en œuvre les actions déjà envisagées sans attendre que tous se soient exprimés ? Une crainte fait donc jour : celle de ne pouvoir mettre en œuvre les changements si ceux-ci ne sont pas effectués immédiatement. La pression de l'urgence déteint sur la démarche et l'un des obstacles aux transformations profondes apparaît : l'impatience et la hâte. Un stress et un manque de confiance dans la capacité d'aboutir sont ainsi involontairement transmis à tous et compromettent le succès du projet. L'équipe de consultants et les responsables en prennent conscience et rétablissent avec détermination le rythme sûr prévu pour le projet. Ce faisant, ils réaffirment deux puissants principes pour conduire des transformations : le respect du temps nécessaire à l'intégration par tous des actions nouvelles et la nécessité d'impliquer toutes les parties prenantes dans la construction du changement. C'est une illusion de penser que tout ira plus vite si on ne prend pas le temps d'échanger avec toutes les personnes concernées, de les engager à coconstruire le changement. Le temps supposé gagné est très vite perdu en explications et tentatives d'atténuation des tensions et des malaises qui résultent de l'ignorance des principes évoqués plus haut.

Changer quoi, pourquoi ?

Que voyons-nous et qu'entendons-nous à l'hôpital ? Les personnels sont confrontés à des enjeux vitaux, à la souffrance et à la peur des patients ; ils doivent agir vite et en apportant le plus grand soin à ceux qui attendent tant d'eux. Nous entendons des expressions comme : « On est sous l'eau », « Tsunami », « Envahis par la vague », autant de métaphores qui montrent un sentiment d'impuissance face aux pressions de temps.

Il semble que, depuis des années et de façon structurelle, le système « hôpital » soit confronté aux mêmes questions, de réforme en réforme, de plan d'actions en plan d'actions, dans un contexte budgétaire contraint.

Faut-il changer les structures ? En France on nomme souvent « stratégie » les changements structurels ; force est de constater que, d'une organisation à l'autre, les résultats positifs se font attendre.

Des procédures mises en place localement ont souvent été la meilleure façon de trouver des solutions et le recours aux moyens du bord aussi !

Nous constatons que la volonté de développement et d'ouverture de nouvelles voies managériales, positives, participatives et constructives sont plus prometteuses.

Quand les managers engagent des conversations qui permettent de revivifier le sens du travail, d'engager des réflexions sur le terrain pour mieux travailler et être ensemble, alors l'hôpital prend soin de lui-même et, si les contraintes restent constantes, elles sont mieux partagées et vécues (ce qui n'exclut en rien l'action collective pour obtenir de nouveaux budgets si nécessaire !).

De tels managers valorisent tout autant le travail effectué dans le passé et le travail actuel que les changements souhaités ; ils n'oublient pas non plus de souligner les petites avancées...

En un mot, ils choisissent de construire sur les forces de tous et avec tous !

(1) Albert Bandura, Auto-efficacité : le sentiment d'efficacité personnelle (traduction par Jacques Lecomte), 2e édition, Paris, De Boeck, 2007.

(2) Edward L. Deci, Richard M. Ryan, Intrinsic motivation and self-determination in human behaviour, New York, Plenum Publishing Co., 1985.