Une double expérience : dynamiser et réparer - Objectif Soins & Management n° 271 du 01/10/2019 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 271 du 01/10/2019

 

Sur le terrain

Dossier

Propos recueillis par Fanny Barbier  

La première intervention Appreciative Inquiry au CHU de Montpellier s'est produite dans la foulée d'une restitution des baromètres sociaux des hôpitaux des régions PACA et Languedoc-Roussillon commandités par l'ANFH. La DRH du moment – Virginie Valentin – a eu recours à la démarche pour l'animation du séminaire annuel de l'équipe RH et pour accompagner le service de santé au travail, paralysé par des dysfonctionnements internes.

Comment on se glisse dans l'AI

« Je venais de prendre mes fonctions quand a eu lieu le premier séminaire animé en mode appréciatif, explique Virginie Valentin. Je n'ai pas été partie prenante dans son organisation et j'avais en tête de ne pas y participer, de rester observatrice du travail que les cadres de ma direction allaient mener sur la journée. Aussi quand le séminaire a démarré et que, l'introduction de la journée passée, j'ai été invitée à prendre place parmi mes équipes pour participer avec elles, même à côté d'elles, aux travaux du séminaire, j'ai eu un premier sentiment de surprise, renforcé par les échanges de début de journée engagés en mode appréciatif, une démarche que je ne connaissais pas... J'ai d'abord pensé que ma position hiérarchique serait un obstacle à la spontanéité des échanges avec les cadres de ma direction. Mais très vite cette dimension de mon positionnement a disparu. Le fait ``d'y être allée sans savoir'' m'a permis de m'y glisser en douceur. Quand il a fallu raconter ce qui avait été le plus fort pour chacun ces dernières semaines, j'étais en duo avec la directrice de la crèche hospitalière, que je ne connaissais pas encore bien (cela ne faisait que quelques mois que j'avais pris mon poste au CHU). Nous avons échangé et nous nous sommes vite senties en phase dans nos impressions. Cela a créé des liens entre nous ! Le cadre de sécurité posé faisait partie de la création de la confiance, sans être intrusif. Tout le monde a beaucoup partagé, nous avons beaucoup ri et nous avons abouti à une conclusion très positive.

J'ai aussi bien aimé a posteriori et suite aux échanges avec les autres participants ce côté très simple qui consiste à se raconter des histoires. À la fois, on se livre, on casse une barrière, on montre qu'un collectif quel qu'il soit part d'abord des individus, que chacun y a sa place. Cela remet l'humain au cœur d'un projet au lieu de le reléguer derrière les aspects économiques et financiers. Cela montre que les ressorts d'une dynamique de groupe, ce sont les gens, non les outils, non les process.

On m'aurait dit à l'avance comment le séminaire allait se dérouler, je ne suis pas sûre que je m'y serais sentie spontanément à l'aise. Avec le recul, l'effet de surprise était un facteur très positif pour se laisser embarquer dans la démarche et les échanges partagés avec mon équipe dans une dimension très originale ont été une occasion unique de créer très vite des liens forts parce que nous partageons une même communauté de valeurs, de sens donné à notre engagement professionnel et d'intérêt pour les autres, ce qui est indispensable à la DRH. Le séminaire en mode AI ne ressemble pas à un coaching d'équipe habituel, on y ressent la puissance du collectif. »

L'AI pour réparer un service de santé au travail

Cette expérimentation de l'AI a très bien fonctionné, aussi a-t-il été décidé d'y recourir à nouveau quand le CHU s'est trouvé confronté à une situation problématique qui concernait le service de santé au travail. « Il s'agissait de s'attaquer à un problème de fonctionnement interne et de retrouver une capacité de travailler en collectif, explique Virginie Valentin. L'AI nous semblait convenir dans cette situation en tant que méthode, à la fois assez intime, mais dans le même temps mobilisable pour construire un projet ambitieux.

Un autre élément est intervenu dans notre choix : nous avions beaucoup apprécié l'espace de dialogue que la démarche ouvre. À partir de petites histoires, elle permet de casser les barrières que l'on peut trouver dans les comportements professionnels pour aller à l'essentiel : ``ce qui fait sens en commun''. Solliciter l'AI pour régler un dysfonctionnement au sein d'un service de santé au travail pouvait surprendre – la démarche est très inattendue – et le choix pouvait être déstabilisant. Mais quand on se laisse prendre par la main, cela crée des choses très fortes qui pouvaient être mobilisables pour accompagner un service en difficulté. Début 2018, j'ai proposé une démarche d'accompagnement pour aider l'équipe à rebondir. Nous avions le projet, la question posée était le ``comment ?''. Comment créer l'état d'esprit du collectif pour porter et mettre en œuvre le projet du service, dans un climat de confiance ? Il fallait travailler sur les ressorts du groupe, voilà pourquoi il nous a semblé judicieux de faire appel à l'Appreciative Inquiry. »

Une démarche qui s'adapte à une situation de crise

« J'ai vu une vraie différence entre la démarche appliquée dans un contexte où l'équipe va bien, où chacun cherche à se dépasser, est prêt à jouer le jeu, et la démarche appliquée dans un contexte où l'équipe ne va pas bien. Dans ce cas, elle ne se construit pas du tout de la même façon.

Avec des personnes en conflit ou en difficulté, le lancement de l'intervention AI a nécessité beaucoup de ressources et de conviction institutionnelle. Il s'agissait de tout faire pour repositionner les personnels dans leurs missions professionnelles et pour les fédérer autour des objectifs de développement du service validés par l'établissement. Il était nécessaire de se donner du temps pour reconstruire des bases solides dans le fonctionnement d'une équipe alors très fragilisée. » (1)

(1) La suite de l'exposé de cette démarche peut être retrouvée dans l'ouvrage de Diana Whitney Pratiques de l'Appreciative Inquiry dans les établissements de santé, Paris, InterÉditions, 2019.