Extrait de Devenir cadre de santé, Michèle de Saint-Léger et Noëlle Bernard, éditions Lamarre, Rueil- Malmaison, 2006 (pp. 51-53)
Pourquoi parler de projet professionnel aujourd’hui ?
Autrefois, la carrière était toute tracée. Aujourd’hui, être diplômé ne suffit plus. Il faut des compétences qui permettent un comportement adapté aux situations (savoir-faire, savoir être). L’environnement est mouvant, flexible. Des missions nombreuses et variées sont confiées aux professionnels, ce qui nécessite de leur part de l’adaptabilité. Il convient d’avoir des compétences et une culture du milieu, c’est-à-dire « une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine ». Il est indispensable, en effet, de connaître l’environnement de travail, les métiers qui nous entourent, d’identifier ses savoirs-faire, ses motivations au travail, et d’apprendre à se connaître.
Qu’est-ce qu’un projet professionnel ?
Le projet professionnel qui vous est demandé par l’IFCS de l’AP-HP peut sembler différent des projets d’autres IFCS. En effet, dans le cadre d’un changement de fonction, le projet professionnel ne peut avoir pour objectif la résolution d’un problème dans un service donné. Un tel objectif n’a de sens qu’en situation de responsabilité dans ce service, puisqu’il est motivé par un désir de modification, d’amélioration d’une situation. Ce qui est visé dans la perspective du changement de fonction, c’est la construction d’une nouvelle identité professionnelle.
Pour construire une nouvelle identité professionnelle, il est nécessaire de mener une réflexion sur l’expérience conduite jusqu’à ce jour et de déceler les potentiels pour l’avenir. Le projet professionnel évoque une trajectoire, une continuité, une évolution. Il vous faudra identifier les changements passés et présents permettant de clarifier votre positionnement à venir en tant que cadre, et de formaliser vos attentes envers la formation à l’IFCS.
C’est une projection de soi dans la fonction de cadre de santé.
Ce projet d’être cadre insinue que l’on se détache progressivement de sa profession initiale, pour découvrir le métier de manager.
Le projet doit témoigner, non d’un savoir issu de lectures, mais d’une réflexion sur l’expérience.
Il s’agit de rechercher dans celle-ci un potentiel pour l’avenir :
• quelles compétences ai-je développées ?
• quelle est ma compréhension des situations vécues aux plans technique et psychosociologique ?
• quelle conception de la fonction de cadre ai-je forgée ? Quelle idée ai-je de sa place dans l’institution ?
Vous ne pouvez faire abstraction de cette réflexion. Pour réaliser celle-ci, n’oubliez pas de vous référer aux objectifs de la formation. Ceux-ci vous permettront de faire le point sur les principales missions du cadre de santé, mais vous les mettrez en relation avec l’évolution socio-économique des établissements de santé. La transformation des gestes techniques et des pratiques médicales raccourcit la durée moyenne de séjour. Cette mutation du système fait évoluer la prise en charge des patients à l’hôpital, par la mise en place des soins en ambulatoire et la création de réseaux de soins coordonnés.
Une vision plus sociale du soin apparaît, incluant les soins palliatifs à nos modes de fonctionnement et reposant sur de nouvelles lois de protection des patients. Ces évolutions impliquent le développement de nouveaux potentiels pour les cadres de santé, en termes d’ouverture, d’innovation et d’adaptation. Elles nécessitent une gestion des ressources humaines favorisant cohésion et adhésion des équipes à de nouveaux projets.
Par conséquent, vous comprendrez qu’il ne s’agit pas de définir la fonction cadre par des formules dogmatiques, dans un discours normatif, mais plutôt de montrer l’avancée de vos réflexions et questionnements, ainsi que la perception que vous avez de la fonction de cadre de santé et des transformations de l’hôpital.
Rappelons que les échanges avec le cadre du lieu d’exercice peuvent être utiles pour stimuler la réflexion et se projeter dans l’avenir, à la condition toutefois que le cadre parle de, autant que sur sa pratique. Ces échanges peuvent aider à rendre conscient le désir ou le nondésir d’identification à un modèle donné.
S’il est impossible de se créer son propre modèle imaginaire, il est alors nécessaire de reconsidérer la validité du projet et la raison d’être de celui-ci. Que signifierait en effet l’idée d’entrer dans une fonction où l’on « ne se voit pas », voire que l’on rejette ?
Une telle approche du projet professionnel rend impossible toute proposition d’exemples rédigés. Proposer ne serait-ce qu’un plan, risquerait de provoquer la fabrication en série de projets stéréotypés et l’épreuve orale révèle très vite, dans ce cas, le caractère impersonnel du discours du candidat et son incapacité à argumenter et à approfondir ses idées.